21/01/2015

En RDC, les manifestions s’étendent malgré une répression féroce.
Au troisième jour de mobilisation de la population, à Kinshasa et dans l’Est du pays, contre une loi qui permet au chef de l’Etat de rester au pouvoir au-delà du terme établi par la Constitution en 2016, le décompte des victimes de la violence policière prend des proportions effrayantes. Ce qui ne fléchit pas, au contraire, la volonté de lutte des Congolais qui réclament désormais le départ du président Kabila.

In DRC, the demonstrations are spreading in spite of a ferocious repression. At the third day of the mobilisation of the population in Kinshasa and in the eastern part of the country against a law that would allow the head of state to stay in power beyond the term established by the constitution in 2016, the number of the victims of the state violence is taking scary proportions. That does not weaken, though, the will of struggle of the congolese : they now want the departure of president Kabila.

21 / 01 / 2015, 15h00

Hier soir, à 23 heures, à Kinshasa, après une journée d’affrontements violents entre manifestants et forces de l’ordre – il s’agirait de membres de la Garde républicaine en uniforme de policiers, vu que ces derniers se font de plus en plus récalcitrants à se battre contre les jeunes descendus dans la rue –, à Masina, Kauka, Lemba, Livulu Campus, Ngaba et Kingasani, le bilan des victimes est monté à 68 morts, dont 6 membres de la force publique. La source de cette information vient d’un médecin de la morgue de l’Hôpital Général Mama Yemo dans le quartier de la Gombé, à Kinshasa. Le correspondant de l’Agence d’information a pu le contacter et ainsi contourner l’interdiction du pouvoir qui empêche aux journalistes d’accéder aux morgues. Paul Nsapu, secrétaire général de la section Afrique de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) a déclaré à RFI : « Le personnel soignant nous a informé, chiffres à l’appui, et nous avons des images, des photos sont là. Le régime à tué. »

Une décision prise au Palais de la Nation bien avant le déclenchement de ces événements avec le remaniement de l’armée en septembre 2014 et celui, plus récent, de la police, le 10 janvier. Des hommes de confiance du chef de l’Etat avaient été placés aux postes clé et, dimanche 18, le tout nouveau chef d’état-major attaché à la présidence, le général Olenga, avait été chargé de mettre en place le dispositif pour contrer les manifestations prévues pour le lendemain. Avec la Garde républicaine, les Unités de réaction rapide (URR) de l’armée et celles de la Légion nationale d’intervention de la police ont été déployées.
Face à la détermination des manifestants qui se sont défendus et, en certains cas, ont contrattaqué (des commissariats ont été pris d’assaut, les armes emportées et la maison du gouverneur de Kinshasa a été détruite), ces forces ont été souvent débordées et on compte déjà des cas de défection et d’insubordination.
Affaibli, le pouvoir a essayé de jouer la carte de la répression sanglante à huis clos. Après avoir coupé internet et SMS dans les portables, les médias de l’opposition ont été interdits, y compris celui de la chaîne catholique. Ce matin, suite à la reprise des affrontements, les signaux de RFI et d’Africa 24 ont été aussi coupés, ce qui a été confirmé par Radio Okapi des Nations Unies. Malgré la censure, les informations filtrent, circulent et se vérifient.
A Kinshasa, les premiers cortèges ont démarré le matin tôt à Kasavubu, et les manifestants ont occupé la rue à Kingasani, fief de la nombreuse communauté des Bayaka. Les incidents les plus violents ont eu lieu à l’Unikin, où une source fait état de 18 étudiants tués.
Pendant que nous écrivons [ce mercredi 21 janvier en début d’après-midi], une foule nourrie se dirige vers le pont de Matete alors que les policiers sont en débandade. Dans les Kivu, à Bukavu, le commissariat de Kudutu a été incendié et la Nationale n° 2 bloquée. A Goma, l’université a été occupée à partir de 9h15 et les rues ont été barricadées. La police refuse de tirer et les URR prennent position contre les manifestants. Un groupe d’étudiants a envahi le tribunal et demande la libération de tous les opposants arrêtés par le régime.
A 14h30, Lubumbashi, dans le Katanga, entre dans le mouvement. Les manifestants réunis à Place de la Poste demandent la non adoption de la loi électorale et la libération du bâtonnier Jean-Claude Muyambo, arrêté hier et détenu à la prison de Makala, à Kinshasa. La tension commence aussi à monter à Beni, dans le Nord-Kivu, à Kananga, dans le Kasaï occidental, et à Kisangani, dans la province orientale.
En conséquence de l’ampleur de ces manifestations, de plus en plus spontanées, qui sont en train de prendre une tournure insurrectionnelle, toutes les forces d’opposition se rallient au mouvement. La coalition des partis à l’origine de l’appel du 16 janvier a donné le mot d’ordre du maintien de la pression jusqu’au retrait de loi inconstitutionnelle qui a été hier jugée recevable au Sénat. Dans le cas contraire, une déclaration sera lancée pour exhorter les Congolais à appliquer l’article 64 de la Constitution prévoyant le droit à utiliser la force contre un régime qui confisque les libertés. Le cardinal Monsengwo a publié une déclaration contre toute révision de la Constitution ou modification de la loi électorale. Dans l’après midi d’hier, Etienne Tshisekedi, le leader historique de l’UPDS, s’est adressé à la population afin qu’elle continue à lutter « pour contraindre ce régime finissant à quitter le pouvoir ». Quant à l’opposition politico-militaire du M23, un communiqué de soutien aux manifestations est attendu en fin d’après midi. Entre temps, l’ancien ministre de la jeunesse de ce mouvement, vient de condamner d’une manière ferme « le massacre de la population et les arrestations des opposants ».

Luigi Elongui pour l’Agence d’information

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 21/01/2015
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