24/12/2014

Les assises dans la capitale du Grand Nord du Nord Kivu n’ont pas porté à des résultats concrets et ont été marquées par les pressions exercées pour imposer aux participants la vérité d’Etat qui veut couvrir les raisons réelles et les vrais responsables des massacres.

The assizes of the capital of the Great North of North Kivu haven’t brought tangible results and have been marked by the pressures put on the participants to impose a state truth that wants to cover up the real reasons and those who are really responsible for the massacres

23 / 12 / 2014

Le « Dialogue Social » de Beni, dans l’Est de la République démocratique du Congo, a réuni du 17 au 20 décembre les notabilités et l’ensemble des classes sociales de la capitale du Grand Nord du Nord Kivu. Aucune avancée significative n’a été accomplie dans ces assises sur l’identification des auteurs des massacres à répétition qui endeuillent les populations Nande depuis le début d’octobre, avec un lot de presque 300 victimes civiles.

« Les questions principales, à savoir qui tuent à Beni, pourquoi ils tuent et qui appuient les criminels, n’ont pas trouvé de réponses », souligne le Journal Le Millénaire de Bunia, en Ituri (Province Orientale), dans un papier intitulé Massacres de Beni : le dialogue social n’a pas crevé l’abcès. « L’opinion s’attendait de ces assises à la désignation des vrais auteurs de ces tueries. Les conclusions et recommandations rendues le samedi 20 décembre 2014 nous semblent très loin de trancher », martèle Mathieu Musongela, qui signe l’article.

En effet, Thomas d’Aquin Mwiti, président de la « Société Civile » du Nord Kivu, auquel revenait la tâche de lire la déclaration finale, a affirmé que « l’ennemi a manifestement un caractère hybride. Il s’agit de résidus ADF mais aussi des enfants égarés des communautés locales qu’ils ont réussi à rassembler autour d’eux ». Malgré les titres de certains média qui, comme Radio Okapi (« Dialogue social à Beni : les ADF identifiés comme auteurs des massacres des civils »), prennent la voie de la désinformation pour des raisons politiciennes, on verse dans le flou et la version gouvernementale d’une responsabilité des rebelles ougandais de l’ADF est implicitement remise en question. Il en avait été également le cas lors de la visité de douze parlementaires à Beni, en fin octobre, qui avaient fait état d’« assaillants pas encore identifiés » et témoigné de la protection accordée à ces derniers par des brigades de l’armée « qui ne répondaient pas aux ordres du commandement local, ni de la 8e région militaire ». D’une façon quelque peu paradoxale, Oscar Kavota, vice-président et porte-parole de « Société Civile », avait confirmé que… « Nous venons de franchir un pas de géant. Nous avons unanimement réalisé que l’ennemi qui est à la base de massacres à Béni a un caractère hybride. »
Néanmoins, des divergences ont fait rage pendant les travaux, qui en ont retardé d’une journée la clôture. «  Il y avait un agenda qui a connu une petite perturbation. J’ai fait le tour des groupes de travail, et là où ça chauffait un tout petit peu c’était le groupe qui traitait sur l’identité des ADF, leurs alliés et pourquoi sont en train de tuer ? », a essayé d’expliquer Mwiti devant la presse.
Ainsi, selon le correspondant sur place de l’Agence d’information, les participants ont été soumis à des fortes pressions de la part des responsables de la « Société Civile » du Nord Kivu. Les membres de cette instance, liée aux très controversé gouverneur de la province, Julien Paluku Kahongya, ont tenté en vain de convaincre les participants d’indexer, parmi les inspirateurs des carnages, l’ancien ministre des Affaires étrangères et leader du parti d’opposition RDC-K-ML, Antipas Mbusa Nyamwisi. S’ils n’ont pas cédé aux pressions, les invités du « Dialogue Social » n’ont pas pu non plus dire tout haut, par crainte de représailles, ce qui à Beni se dit tout bas sur l’implication de l’armée régulière (FARDC) dans les crimes. Cela nous est confirmé par téléphone par une source du Kivu proche du dossier, selon laquelle « les membres de ce dialogue ne peuvent pas citer pour des raisons de sécurité les officiers des FARDC qui à Beni sont soupçonnés agir dans l’ombre, comme le général Mundos ou d’autres haut gradés… Il faut les comprendre et ils ont intérêt à se rallier aux communications du gouvernement, même s’ils n’y croient pas. Quitte peut être à vider le sac en privé à quelques journalistes de confiance et sous couvert d’anonymat ». Bref, les assises ont aussi été le théâtre d’un affrontement politique dicté par le PPRD, le parti du chef de l’Etat, qui sous-entend la volonté farouche de la part de ce dernier de conquérir l’espace économique occupé par d’autres forces, en particulier celles du RCD-K-ML.

Julien Paluku

Mbusa Nyamwisi, de son côté, a réitéré, le vendredi 19 à 07h30 dans une interview à RFI, ce qu’il avait affirmé à charge du général Akili Mundos de la Garde républicaine il y a quelques semaines sur les ondes de la même radio. Il a insisté sur le fait que les responsables des tueries sont à chercher au sein de l’armée et que ces actes criminels ne peuvent pas se justifier par des rivalités claniques et ou ethniques, qui dans le territoire de Beni et Lubero n’existent pas.
En revanche, pendant son point de presse, toujours le vendredi 19, le ministre de la Communication et Médias, Lambert Mende Omalanga, a déclaré que, parmi les personnes arrêtées récemment par la force publique à Beni, « plusieurs appartiennent à des formations politiques actives ou en voie d’extinction (Maï Maï, M23, RCD-K-ML), mais aussi que des acteurs politiques issus du Grand Nord alimentent cette terreur et instrumentalisent délibérément ces violences ». Des allégations suivies aussi par un démenti officiel de la part du M23, signé le 22 décembre par son président Bertrand Bisimwa depuis Kampala, et dans lequel on peut lire que, mis à part les militaires ex-M23 cantonnés en Ouganda et au Rwanda, « Ceux de nos combattants qui sont restés en RDC s’étaient tous rendus au Gouvernement congolais et, aux dernières nouvelles, ils auraient été acheminés à un centre de cantonnement en dehors du Kivu ». « C’est le lieu de se demander où le porte-parole du gouvernement de la RDC tire-t-il le fondement de ses allégations qui contredisent tout les rapports des enquêtes menées sur le théâtre des événements », affirme le texte de Bisimwa dans les conclusions.

Général Mundos

L’Agence d’information, dans un papier analytique daté du 1er novembre et intitulé Des unités de l’armée impliquées dans les massacres de Beni, avait échafaudé l’hypothèse d’une manipulation orchestrée par les hautes hiérarchies des FARDC présentes à Beni. Nous avons continué notre enquête et sommes proches des conclusions que nous comptons pouvoir publier d’ici à une dizaine de jours. Mais il paraît déjà certain que le rôle joué par l’armée régulière dans la tragédie du Grand Nord ne saura pas se réduire à la complicité de quelques officiers « égarés » avec l’ADF. Un cas de figure assez réducteur des responsabilités du pouvoir et facilement gérable par le gouvernement, comme ce fut le cas lors du procès pour l’assassinat de Mamadou Ndala.

Luigi Elongui par l’Agence d’information

Mis en ligne par L’Agence d’information
 24/12/2014
 http://lagencedinformation.com/079-beni-le-dialogue-en-panne.html
Sauf mention contraire, droits de reproduction et diffusion autorisés selon la licence Creative Commons Attribution BY-SA 4.0

Les habits neufs de l’empire
Guerre et désinformation dans l’Est du Congo

Acheter en ligne (Aviso éditions)


 En savoir plus

 En images

Voir aussi

RDC Congo : Une fosse commune avec 425 corps découverte à Kinshasa

 Il est incontestable que de véritables escadrons de la mort étaient opérationnels pendant les journées de lutte contre la loi-Boshab. S’il s’avère, comme il (...)

Il est incontestable que de véritables escadrons de la mort étaient opérationnels pendant les journées de lutte contre la loi-Boshab. S’il s’avère, comme il est assez probable, que dans le charnier de Maluku ont été inhumés les morts tués par les nervis du pouvoir, les Congolais peuvent réclamer l’application de l’article 64 de la Constitution.

There is no doubt that real death squads were operationnal during the days of the fight against the Boshab law. If it turns out that, as it is very likely, in the mass grave of Maluku have been buried the dead people killed by the regime’s thugs, the Congolese may reclaim the application of the 64th article onf the constitution.

Mis en ligne par L’Agence d’information

 5/04/2015

L’ONU déclare la guerre

 L’ONU a donné un ultimatum au M23 de déposer les armes sous 48 heures, soit avant jeudi 16 heures, après quoi la brigade offensive constituée de Tanzaniens et (...)

L’ONU a donné un ultimatum au M23 de déposer les armes sous 48 heures, soit avant jeudi 16 heures, après quoi la brigade offensive constituée de Tanzaniens et de Sud-africains pourraient intervenir aux côtés des FARDC associées aux FDLR et Maï-Maï.

The UN has given an ultimatum to the M23 to disarm within 48 hours, before Thursday at 4pm, after which the "offensive brigade" with Tanzanians and South Africans could intervene alongside the FARDC and FDLR associated with Mai-Mai.

Mis en ligne par L’Agence d’information

 31/07/2013

Le M23 dénonce la partialité du porte-parole de la Monusco

 M. Bertrand Bisimwa, président du M23, accuse le responsable de la communication de la Monusco, le colonel Félix Basse, de pousser au conflit et de "faire (...)

M. Bertrand Bisimwa, président du M23, accuse le responsable de la communication de la Monusco, le colonel Félix Basse, de pousser au conflit et de "faire l’apologie de la guerre".

Mr Bertrand Bisimwa, president of the M23, accuses the spokesperson of Monusco, colonel Félix Basse, to push to conflict and "promote war".

Mis en ligne par L’Agence d’information

 1er/07/2013