27 / 08 / 2014
Les dès sont jetés. Les membres de la majorité présidentielle ont tranché. Battue en brèche l’opposition interne du Mouvement social pour le renouveau (MSR) de Pierre Lumbi Okongo, conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité, les convives de Kingakati, la ferme présidentielle située dans la banlieue est de Kinshasa, ont opté pour la réforme constitutionnelle qui ouvre la voie à la prolongation du mandat de Joseph Kabila, en principe interdite par l’article 220 du texte fondamental actuellement en vigueur : après la 2e mandature, on ne peut pas en briguer une 3e. L’article en question ne sera pas révisé. Il disparaîtra avec l’ensemble de la lettre dans le cadre d’un projet prévoyant une Constitution ex-novo et l’émergence de la 4e République.
Dans sa livraison d’hier, le quotidien pro-gouvernemental kinois Le Potentiel écrit à la Une : « La Majorité a annoncé les couleurs. Elle travaille sur un projet de Constitution censé, selon elle, ouvrir la voie à la 4e République. La Majorité assume son choix. A Kingakati, elle s’est donnée les moyens pour le réaliser. » Lesquels ? Selon l’une de nos correspondantes dans la région, qui s’est entretenue avec un membre de la MP ayant participé à cette réunion, le dialogue dans le cadre des concertations nationales envisagées en décembre dernier n’aura pas lieu. Kabila n’y tient pas, car il craint que les concertations puissent fragiliser son assise. Il préfère agir, après avoir pris le temps.
Première échéance : un nouveau gouvernement dit d’union nationale devrait voir le jour dans la deuxième moitié du mois prochain et s’atteler au dossier de la réforme constitutionnelle. Les plus « convaincus » de la famille présidentielle trouveront leur place dans la nouvelle équipe ou ils seront « remerciés » en se voyant confié la gestion d’une régie financière dans une entreprise d’Etat. Avec eux, les ténors de l’opposition qui se feront attirer par les sirènes kabilistes plus quelques membres du MSR décidés à abandonner Pierre Lumbi à son destin. Ce dernier devrait être écarté de son parti pour laisser la place à un homme de confiance du chef de l’Etat, probablement un ancien général, dont on tait pour le moment le nom.
Chaque séquence politique ayant besoin d’un personnel soudé et acquis aux desseins du locataire du Palais de la Nation, le nouvel exécutif exclura les éléments contraires à la réforme selon la technique de diviser et recomposer si chère aux tenants du pouvoir.
Deuxième échéance : l’organisation d’un Référendum pour que la nation avalise la réforme constitutionnelle, avec la mise au rebut du texte du 18 février 2006, et l’avènement d’une nouvelle loi fondamentale qui permettra à Joseph Kabila de garder la magistrature suprême. En préalable, un recensement, utile pour gagner encore du temps et passer le cap de 2016, car en tout cas l’actuelle Constitution prévoit que le président sortant quitte le pouvoir après l’élection de son successeur…
Pour que cette démarche ne soit pas entravée, Joseph Kabila peut compter sur une opposition divisée et en manque de vision d’une part, et sur la bienveillance de la dite “communauté internationale” de l’autre. Les Etats-Unis, qui souvent lèvent la voix pour que Kabila ne rempile pas au-delà de 2016, n’auront qu’à se rallier, encore une fois. Tout comme aujourd’hui, même si le régime de Kinshasa n’a jamais obtempéré aux engagements souscrits, tel l’accord-cadre d’Addis-Abeba du 24 février 2013 ou les termes de la résolution 2098 des Nations Unies, elle en date 28 mars de la même année, prévoyant l’actuation de réformes qui n’ont jamais vu le jour.
« Kabila profite toujours d’un soutien illimité de la part de ses partenaires étrangers », affirme une source diplomatique à Kinshasa, qui ajoute : « La population de la capitale, par tradition frondeuse, est réduite à la survie et ses énergies sont canalisées jusqu’à la dernière goutte dans la recherche quotidienne pour remplir le ventre. »
La rébellion en stand by du M23 donnait du soucis dernièrement à Kinshasa, avec ses communiqués demandant au pouvoir de remplir les engagements qu’il a pris en signant les Protocoles de Nairobi du 12 décembre 2013. Mais Kabila se sent protégé contre toute véléité de reprise des hostilités de ce côté par le parapluie militaire de ses alliés onusiens. Le cas échéant, il pourra toujouer jouer de son atout majeur en brandissant la carte nationaliste diabolisant un adversaire décrit comme le suppôt des visées expansionnistes de se voisins. Selon notre correspondant aux Etats-Unis, une source de Goma aurait révélé que le combats du 22 au 23 août derniers à Munigi (Nord Kivu), opposant l’armée nationale à un mystérieux groupe armé – qu’un communiqué interne à la Monusco avait indiqué être le M23 – ne seraient qu’une mise en scène de l’Agence nationale de renseignement.
La stratégie présidentielle est bien rôdée. L’ensemble des facteurs semblent sous contrôle et convergent comme prévu dans l’accomplissement du but. Mais une variable indépendante peut toujours surgir et mettre à mal le projet si bien ficelé. Le temps nous en dira plus.
Luigi Elongui, avec Angiolina Rossellini et Elmemeyi Murangwa