RDC MONUSCO / FARDC : doutes sur une opération conjointe

25/05/2016
25/05/2016

Le soutien militaire apporté par les forces de l’Onu au gouvernement congolais pour la sécurisation des populations du Nord-Kivu victimes d’atrocités depuis dix-huit mois suscite nombreuses interrogations et critiques. L’ennemi qu’on déclare viser appartient à l’ordre du virtuel alors que l’implication de hauts officiers des forces régulières congolaises (FARDC) dans les massacres est désormais acquise.

« La MONUSCO est engagée à poursuivre son action sur le terrain, dans le cadre de son partenariat avec le gouvernement et conformément à la résolution 2277 pour faire face à la menace posée envers les civils par l’ADF et d’autres groupes armés », a déclaré le 23 mai dernier Maman Sidikou, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies (RSSG) et patron des Casques bleus en République Démocratique du Congo (RDC). Les troupes onusiennes — qui avaient repris en janvier la coopération avec l’armée congolaise interrompue en février 2015 à cause de la présence des deux hauts gradés accusés de violations des Droits de l’Homme dans sa chaîne de commandement — ont-elles choisi le bon moment et la bonne cible en participant à l’opération conjointe Usalama (nettoyer, en swahili) lancée par les FARDC dans le territoire de Beni (Nord-Kivu, est de la RDC) ?
Il y a huit jours, un rapport confidentiel de la même maison de verre et venant d’un groupe d’experts chargés des sanctions visant la RDC a accusé le général congolais Akili Muhindo Mundos d’avoir recruté, financé, armé et encadré une dizaine de combattants d’une milice locale. Cela en prévision de leur participation aux massacres qui endeuillent depuis octobre 2014 le territoire de Beni (L’Agence d’information du 21/05/2014, Mobilisation autour de Beni).
Le même Mundos, un ancien de la Garde Républicaine, considéré très proche du chef de l’État, avait été envoyé à Beni, en septembre 2014 et sur ordonnance présidentielle, à la tête d’une unité d’élite des FARDC qui aurait dû libérer la zone de la présence d’une quinzaine de groupes armés. Depuis, la violence a redoublé, la spirale des massacres s’est enclenchée et le général est toujours sur place malgré une mutation fictive établie en juillet 2015. Soupçonné depuis le début des atrocités d’en être l’un des tireurs des ficelles (L’Agence d’information du 01/11/2014, Des unités de l’armée impliquées dans les massacres de Beni), il a été récemment cité pour son rôle trouble dans ces événements par le Groupe d’Étude sur le Congo de Jason Stern, un ancien expert de l’Onu (GEC, Rapport d’enquête N° 1, mars 2016, Qui sont les tueurs de Beni ?)
Or, la décision de la MONUSCO d’appuyer l’opération Usalama est une manifestation paradoxale, une de plus, des contradictions des NU en RDC. On affirme d’une part, que les forces de Kinshasa participent à des crimes contre l’humanité et on décide de l’autre, de les soutenir pour mettre fin à ces mêmes crimes…
Ces errements ne datent pas d’aujourd’hui. En deux reprises déjà, le Bureau des NU aux Droits de l’Homme (BCNUDH) avec indexé les soldats des FARDC pour avoir participé aux massacres, en octobre et décembre 2014. Et le rapport onusien du 16/10/2015 faisait état d’ordres donnés aux gradés FARDC de ne pas poursuivre les auteurs des carnages.
Toute cette documentation venant de fonctionnaires mobilisés par le Conseil de Sécurité a dû passer inaperçue aux yeux d’Hervé Ladsous, le tout puissant patron du DPKO, le Département des opérations de maintien de la paix des NU, sur lequel la France garde la haute main et dont la MONUSCO dépend. Et elle n’a pas suscité non plus des grandes inquiétudes dans le chef du général français Jean Baillaud, patron en pectore des troupes de la MONUSCO, même si formellement commandant adjoint du général major sud-africain Derrick Mbuselo Mgwebi qui, lui, semble avoir disparu du terrain et perdu de visibilité depuis quelques mois.
« Alors que les États-Unis, la Belgique, l’Angleterre et L’Union Européenne se manifestent de plus en plus critiques vis-à-vis de Kinshasa et des violations des Droits de l’Homme en augmentation en RDC, Paris garde le silence et feint d’ignorer qu’à Beni, nous sommes en présence de véritables crimes contre l’humanité, dont se seraient rendus coupables des hommes mandatés depuis les plus hautes sphères du régime », nous a déclaré une source diplomatique à Washington.
La dernière et pas la moindre des perplexités concerne la version officielle des autorités congolaises qui indiquent le rebelles ougandais de l’Alliance des Forces Démocratiques (ADF) comme responsables des atrocités. Cette bande armée, installée aux pieds de la chaîne montagneuse du Ruwenzori dans les années 1990, est en réalité réduite aux proportions d’un groupuscule. La paternité des crimes qu’on veut lui attribuer est maintenant exclue par la plupart des observateurs.
Contre qui alors se dirigent les opérations militaires que les forces onusiennes et congolaises déclarent mener depuis quelques jours avec « un bilan positif » et en dehors des yeux de témoins directs ?
Peu à peu, le brouillard se dissipe sur Beni et il n’est pas exclu qu’on pourra bientôt répondre à cette question.
Luigi Elongui

Le général Baillaud et son état-major africain
Mis en ligne par L’Agence d’information
 25/05/2016
 https://lagencedinformation.com/102-rdc-monusco-fardc-doutes-sur-une.html
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Morceau d’anthologie, l’article de Colette Braeckman, publié sur son blog. D’après l’armée congolaise, les attaques en cours dans le Beni seraient le fait d’une alliance de Maï Maï et de l’ADF-Nalu ougandaise, nous dit-elle. Mais elle y voit néanmoins confirmation de la prédiction du gouverneur Julien Paluku : celui-ci annonçait que des Shebbabs attaqueraient.

Plus sérieusement, un rapport de l’ONU, daté du 20 juin 2013, décrit les troupes de l’ADF sans évoquer de shebbabs – mais n’en est pas moins ajouté comme éléments à charge. De toutes façons, cette présence serait confirmée par les "services d’informations burundais et ougandais" et par des "sources policières" congolaises.

Mais "d’autres sources policières", interrogées par Braeckman, "mettent également en cause le mouvement M23"… Une "preuve" ? Le chef du département jeunesse du M23, Ali Musagara, serait "de confession musulmane". Il aurait ainsi non seulement des prédispositions pour le djihad international, mais de plus des "facilités pour recruter au sein de sa communauté". Pire encore : "le président de la communauté musulmane du Nord Kivu serait proche du M23"...

La journaliste note entre parenthèses que "la communauté musulmane de Goma connaît une rapide expansion". Ainsi, contre le M23 l’antitutsisme ne suffit plus – il est vrai que la plupart de ses membres ne sont pas Tutsi –, la xénophobie anti-rwandaise marche moyennement – il s’agit manifestement d’un mouvement nationaliste congolais. Alors ils pourraient aussi bien être islamistes ?

Il ne manquait plus que cette plume à l’épouvantail parfait que la propagande dresse par touches pour tenter de justifier de cette guerre injustifiable.

L’Agence d’Information

Mis en ligne par L’Agence d’information

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