8/02/2016

Pendant que les affrontements entre les deux communautés dans le Nord-Kivu prennent une ampleur inquiétante, on lit dans un rapport onusien fuité des révélations troublantes sur un grave incident qui avait opposé les Casques bleus à l’armée congolaise. L’implication de cette dernière dans les massacres qui depuis un an et demi endeuillent le Grand Nord de la province est évoquée. Est-on en face d’une manœuvre obscure du pouvoir et de complicités au sein de la Mission des Nations Unies (MONUSCO)

Hier dimanche 7 février dans l’après-midi et le 6 en fin de journée, les positions de l’armée congolaise (FARDC) ont été attaquées par des groupes armés respectivement à Mayi Moya et à Kasiki. Selon une information émanant de la MONUSCO, les soldats gouvernementaux y étaient déployés pour prévenir les violences intercommunautaires qui sont en train d’embraser le territoire du Sud-Lubero, dans le Grand Nord du Nord-Kivu.

Pendant la nuit de vendredi 5 février à samedi 6, cinq cent maisons ont été incendiées et une trentaine de villages ravagés par le feu dans cette province de l’Est de la république démocratique du Congo (RDC).
D’après le compte twitter de Sonia Rolley, journaliste à RFI, les maisons des Hutu ont brûlé à Luhanga et celles des Nande à Kasiki.
« Six personnes ont été tuées, plusieurs autres blessées et des centaines de cases incendiées au cours des échauffourées survenues vendredi 5 février dans la matinée dans les villages de Lusuli, Kyutu et Bambwuli à Lubero entre des membres de la communauté Nande et Hutu », reporte Radio Okapi d’avant-hier.

Deux jours auparavant à Luofo, des incidents entre les deux groupes s’étaient soldés avec deux morts, huit blessés et deux femmes violées. Selon une source locale, « les deux communautés s’accusent mutuellement de soutenir des groupes armés qui se sont régulièrement affrontés ces derniers mois ». Il s’agit d’une part des rebelles hutu rwandais des FDLR, dirigés par des officiers qui ont trempé dans le génocide de 1994 au Rwanda, qui soutiendraient leurs congénères congolais, et de l’autre de la milice nande UPDI (Union des Patriotes pour la Défense des Innocents). Cette dernière s’est constituée suite à une série ininterrompue de massacres et d’atrocités qui ont ciblé les membres de l’ethnie Nande (ou Yira) depuis septembre 2014 dans le territoire de Beni, avant de se déplacer vers Lubero.
Ce nouveau cycle de violences a démarré le 2 février aves l’assassinat de cinq Hutu à Kalevia. Cette localité se trouve à sept kilomètres de Miriki où le 7 janvier une tuerie de vastes proportions a coûté la vie à dix-huit Nande. Les responsables, des FDLR de la branche RUD, ont utilisé comme point de départ de leur incursion meurtrière un camp de réfugiés hutu qui se trouve en proximité du village et à quelques centaines de mètres d’une base de la MONUSCO et d’une position des FARDC.

Leur inaction a conforté doutes et interrogations sur la complicité des uns et la passivité des autres, d’autant que les tueurs agissent souvent en uniforme des FARDC.

A Miriki, selon des témoins sur place, une communication via portable a été interceptée entre un officier des assaillants FDLR/RUD et un haut gradé de l’armée gouvernementale. L’information a été relayée le 31 janvier dernier par Congo Research Group : « Des sources locales suggèrent que le commandant ‘Justin’ des FARDC, non autrement identifié, aurait joué un rôle déterminant dans le massacre de Miriki ».

Un contexte trouble où les victimes se comptent par centaines et dans lequel un rapport confidentiel d’un groupe d’experts des NU daté du 15 janvier et fuité le 4 février jette une lumière encore plus inquiétante.

Selon ce rapport, les deux soldats tanzaniens qui le 5 mai dernier dans la région de Beni avaient été victimes d’une embuscade attribuée aux ADF-Nalu (étiquette désormais conventionnelle utilisée pour indiquer les tueurs mystérieux qui depuis septembre 2014 massacrent les populations du Grand Nord) sont en réalité tombés sous le feu d’une patrouille des FARDC. S’étaient-ils trouvés au milieu d’un affrontement entre deux unités de l’armée régulière, dont l’une s’apprêtait à assaillir un village et l’autre à l’en empêcher ?

Quoi qu’il en soit, cette partie de l’Est de la RDC est devenue une « zone grise » où une main occulte tire les ficelles d’une politique meurtrière aux desseins inavouables.

On y reviendra.

Luigi Elongui

DERNIERE HEURE 21h30. 30 personnes, toutes appartenant à la communauté Nande, ont été tuées dans le territoire du Sud-Lubero.

Note : L’illustration date du 7 décembre 2014, d’un massacre de quatorze personnes à Oicha (territoire de Béni). Une scène habituelle dans les territoires de Beni et du Sud-Lubero depuis un an et demi : on enterre les victimes de massacres aux auteurs inconnus.

Mis en ligne par L’Agence d’information
 8/02/2016
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— Patrick Muyaya

Mis en ligne par L’Agence d’information

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 16/12/2016

L’intox des shebbabs du M23

 Depuis plusieurs jours, court, enfle, se répand par de multiples voix, une nouvelle figure de diabolisation du M23 : il aurait recruté des shebbabs, des (...)

Depuis plusieurs jours, court, enfle, se répand par de multiples voix, une nouvelle figure de diabolisation du M23 : il aurait recruté des shebbabs, des intégristes musulmans de Somalie, et pour un peu deviendrait la nouvelle antenne d’Al Quaeda au cœur du Kivu.

Morceau d’anthologie, l’article de Colette Braeckman, publié sur son blog. D’après l’armée congolaise, les attaques en cours dans le Beni seraient le fait d’une alliance de Maï Maï et de l’ADF-Nalu ougandaise, nous dit-elle. Mais elle y voit néanmoins confirmation de la prédiction du gouverneur Julien Paluku : celui-ci annonçait que des Shebbabs attaqueraient.

Plus sérieusement, un rapport de l’ONU, daté du 20 juin 2013, décrit les troupes de l’ADF sans évoquer de shebbabs – mais n’en est pas moins ajouté comme éléments à charge. De toutes façons, cette présence serait confirmée par les "services d’informations burundais et ougandais" et par des "sources policières" congolaises.

Mais "d’autres sources policières", interrogées par Braeckman, "mettent également en cause le mouvement M23"… Une "preuve" ? Le chef du département jeunesse du M23, Ali Musagara, serait "de confession musulmane". Il aurait ainsi non seulement des prédispositions pour le djihad international, mais de plus des "facilités pour recruter au sein de sa communauté". Pire encore : "le président de la communauté musulmane du Nord Kivu serait proche du M23"...

La journaliste note entre parenthèses que "la communauté musulmane de Goma connaît une rapide expansion". Ainsi, contre le M23 l’antitutsisme ne suffit plus – il est vrai que la plupart de ses membres ne sont pas Tutsi –, la xénophobie anti-rwandaise marche moyennement – il s’agit manifestement d’un mouvement nationaliste congolais. Alors ils pourraient aussi bien être islamistes ?

Il ne manquait plus que cette plume à l’épouvantail parfait que la propagande dresse par touches pour tenter de justifier de cette guerre injustifiable.

L’Agence d’Information

Mis en ligne par L’Agence d’information

 14/07/2013