18/02/2017

Las d’attendre que le gouvernement respecte les engagements pris le 12 décembre 2013 à Nairobi, suite à la cessation des hostilités entre le mouvement rebelle et Kinshasa – notamment leur rapatriement conforme aux clauses des protocoles signés, le retour des réfugiés et la démobilisation des groupes armés sévissant à l’Est –, les combattants du général Sultani Makenga ont pour la plupart quitté leurs camps près de Kampala et sont rentrés au pays. Une action qui se voulait, au début, démonstrative et inoffensive…

Having enough of waiting for the government to respect the commitments made on December 12 2013 in Nairobi, which followed the cessation of hostilities between the rebel movement and Kinshasa - including their repatriation in accordance with the signed protocols, the return of refugees and the demobilization of groups Armed fighters in the east -, most of the fighters of General Sultani Makenga have left their camps near Kampala and returned home. An action which at first was meant to be demonstrative and harmless ...

18/02/2017

« Makenga, vous le verrez prisonnier ici à Goma, vivant ou mort ! ». Venant de François Olenga, le tout puissant patron de la maison militaire du président Kabila, les propos lâchés le 21 janvier dernier à l’encontre du chef militaire du M23 devant la presse à Goma, capitale du Nord Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), avaient été pris au sérieux par les présents à la réunion organisée par le gouverneur de la province, Julien Paluku.

Six jours auparavant, ce dernier avait posté sur son compte Twitter une note alarmante : « Alerte rouge ! A partir de l’Ouganda, les ex-M23 sont en direction de la RDC avec armes et munitions pour attaques généralisées ». L’information lui avait été soufflée par l’un des chefs des Maï Maï Mazembe, une milice issue de la communauté nande, à laquelle appartient le gouverneur qu’on soupçonne d’être le parrain de ce groupe armé. Puis un autre proche, Emmanuel de Merode – conservateur belge du Parc de Virunga et descendant du roi Léopold II –, l’avait mis au courant de la nouvelle après avoir survolé à bord de son petit avion cette zone de monts volcaniques et forêts épaisses et remarqué le repaire des anciens rebelles. Ceux-ci avaient en effet quitté dans leur majorité les camps qui les hébergeaient en Ouganda depuis novembre 2013, quand l’Armée révolutionnaire congolaise (ARC), aile militaire du M23, s’était repliée en ordre de marche suite aux pressions diplomatiques et militaires de la communauté internationale.

Il s’agissait surtout, pour ces jeunes soldats, dont une bonne partie des familles croupissent dans les camps de réfugiés en Tanzanie, Ouganda et Rwanda, de sensibiliser par leur action les populations de l’Est : il n’était plus acceptable pour eux, trois ans après des accords non respectés par le gouvernement, de jouer les laissés pour compte et les exilés éternels alors que la situation sécuritaire continue à se détériorer au Nord Kivu et que rien n’est fait par Kinshasa pour créer les conditions favorables au retour des réfugiés et au développement de la province.

Le 8 février dernier, un des membres de l’ARC resté dans les camps en Ouganda après le départ du général Makenga avec une partie de ses hommes, déclarait à RFI : « Si le président Kabila avait honoré ses engagements, aujourd’hui nous ne serions pas ici, nous serions chez nous au Congo. Le message est de transmettre au gouvernement congolais que nous avons besoin qu’il respecte ses engagements. Totalement et intégralement, afin que nous puissions rentrer chez nous dans la paix, puisque nous voulons aussi bâtir notre pays dans la paix et dans la sécurité. » Tout en se disant prêt à rejoindre Makenga, s’il n’y a pas autre choix... Dans la même circonstance, RFI rapporte les vœux de King Timbaganya, porte parole de l’armée ougandaise (UPDF) : « Notre prière est que le gouvernement congolais mette en œuvre l’accord qui a été signé entre le M23 et la RDC ».

Ainsi et contrairement aux déclarations de Paluku, les soldats de l’ARC ont fait leur retour au pays sans armes et sans l’intention d’ « attaques généralisées », qui d’ailleurs, n’ont pas eu lieu cinq ou six semaines au moins après leur percée au Nord Kivu. En témoigne le communiqué de l’UPDF du 19 janvier concernant l’interpellation de 101 éléments désarmés du M23 en route pour la RDC, tout comme celui de l’armée rwandaise qui, quelques jours plus tard, déclare avoir appréhendé une dizaine de militaires du même mouvement, toujours sans armes.

Ce sont donc des hommes considérés sans défense, ceux que le général Olenga envoie bombarder le 27 janvier, quelques jours après son discours à Goma, par deux hélicoptères de combat de l’armée congolaise (FARDC). Une initiative qui, quoique soutenue par l’appui extérieur d’un pays allié (1), tourne rapidement à l’échec. Un premier engin échoue au sol à cause de très forts vents et le deuxième suit le même sort dans des circonstances qui sont encore à éclairer. Selon certaines sources, il aurait été victime aussi des conditions atmosphériques défavorables, selon d’autres, des projectiles essuyés par les militaires du M23.

Ceux-ci avaient entre temps pris leurs précautions suite aux menaces du chef d’Etat major particulier de Joseph Kabila et s’étaient dotés de moyens d’autodéfense en prévision d’une attaque. Version confirmée par une source militaire de haut niveau de la mission onusienne en RDC (MONUSCO), selon laquelle les rebelles ont également contacté via téléphone les autorités de l’Onu à Goma les invitant à se rendre sur place pour récupérer les membres blessés de l’équipage du deuxième hélicoptère. Dont le colonel Ezéchiel Kwasundowe, numéro 2 des renseignements de l’opération Sukola 2 des FARDC, qui décède suite aux blessures reportées dans le crash et malgré l’intervention de la MONUSCO sollicitée par les rebelles. Selon la même source, une deuxième offensive, cette fois-ci au sol, programmée par les FARDC deux jours après, se solde à nouveau par un revers. Prise en embuscade, une unité de l’armée régulière laisse un grand nombre de soldats sur le terrain.

Depuis le début du mois de février, la situation paraît calme, entourée par le silence médiatique de part et d’autre, car la rébellion a visiblement choisi de ne pas communiquer, au moins pour l’instant. Entre temps, le pays est en butte à des convulsions politiques. L’accord de la Saint Sylvestre entre la Majorité et l’Opposition bat de l’aile et la perspective d’un maintien au pouvoir illégal et illimité du président Kabila, hors mandat depuis le 19 décembre, prend de plus en plus corps. Les violences redoublent dans l’ensemble du pays et, depuis l’Est, déferlent au Bas Congo et surtout au Kasaï. Là, les FARDC ont été récemment accusées par une note des NU d’avoir utilisé la force disproportionnée contre une milice et tué plus d’une centaine de personnes, dont des nombreux enfants et des femmes.

Dans un contexte de hautes turbulences, comment se situent les revendications et l’action du M23, et comment prévoir la réaction du gouvernement face à une problématique – celle de la sécurité à l’Est –, que ce dernier n’a jamais voulu sérieusement affronter ?

Selon un analyste très proche du dossier, qui a préféré garder l’anonymat pour des raisons de sécurité, « les griefs du M23 sont politiques et la solution ne pourra jamais être militaire contre ce mouvement qui est l’expression des problèmes d’insécurité existant dans l’Est de la RDC depuis plus de vingt ans. Les dirigeants de cette organisation reprochent au gouvernement d’entretenir les milices diverses (les FDLR, l’ensemble de la nébuleuse Maï Maï, les fausses ADF, les Mbororo) qui commettent des atrocités contre les civils, notamment au Nord Kivu. Dans les années 2000, le CNDP de Laurent Nkunda, dont le M23 est la filiation, était aussi entré en dissidence avec Kinshasa. Après les combats, à chaque fois, des accords de paix étaient signés en présence des envoyés de la communauté internationale, puis jamais respectés par les autorités congolaises. Les accords de 2006 – un gentleman agreement fixant les conditions d’un ‘mixage’ des troupes des deux belligérants –, ne furent même pas discutés devant le Parlement et de ceux de 2009 – repris dans les Déclarations de Nairobi signées le 12 décembre 2013 avec le M23 –, n’ont été adoptés que pour le quart des chapitres. Et cela malgré le fait que ses clauses aient plus tard intégré le framework de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba, signé sous l’égide des Nations unies et de l’Union africaine ».

En réalité, toutes les négociations entre Kinshasa et les rébellions de l’Est se sont déroulées sous la facilitation d’acteurs internationaux. Par conséquent, le désengagement des conclusions de ces négociations de la part du gouvernement de la RDC s’apparente à une violation d’accords à caractère international. Et la non-réaction de la communauté internationale face à cette violation a provoqué un sentiment de détresse dans les camps en Ouganda, où les combattants de l’ARC sont logés.

« Les militaires du M23, poursuit le même analyste, ont été abandonnés par tout le monde. Le gouvernement a tout d’abord affirmé que le M23 n’existe plus, puis il a essayé de les rapatrier par la force et a enfin imposé à l’Ouganda d’interdire toute rencontre entre les membres de l’appareil civil et les combattants. Ainsi, les premiers étaient dans l’impossibilité de restituer aux derniers les contenus des pourparlers entre les deux parties, qui avaient lieu de temps à autre, à Kampala ou à Kinshasa. C’est dans cette situation d’isolement voulu par le gouvernement de la RDC, que le choix a été fait de rentrer au pays. Un geste démonstratif et sans aucune velléité offensive en principe, de la part de ceux qui se sentent tout d’abord comme des citoyens frustrés. Mais suite aux menaces d’Olenga, qui avait annoncé de reprendre les hostilités à Ishasha et mobilisé la force aérienne, ils ont été obligés d’adopter des mécanismes d’auto-défense. Se procurer les moyens pour se protéger n’est pas difficile au Kivu, où milices et FARDC vivent et s’enrichissent avec le trafic d’armes. Il est évident qu’à Kinshasa on a cherché à créer un état de guerre fictif à utiliser comme diversion ou prétexte pour reporter les élections présidentielles aux calendes grecques. Les anciens combattants du M23 faisaient un retour pacifique, mais le gouvernement a pris, encore une fois, l’option belliciste ».

Pour le moment, les armes se taisent au Kivu et on n’exclut pas que la diplomatie occulte soit en train d’opérer. Dans l’ensemble du pays, les tensions montent et la situation devient explosive. Partout, affrontements armés, tueries, massacres, comme le dernier à Tshimbulu, dans le Kasaï. L’apprenti sorcier de Kinshasa a-t-il encore le contrôle de la situation, ou bien celle-ci pourrait-elle lui échapper et provoquer l’implosion du régime ?

L’Agence d’information

(1) Selon le correspondant de l’Agence d’information à Washington qui reporte des témoignages venant du terrain ; et selon une déclaration publique et en partie codée du général Léon Mushale, patron de la 3e Zone de défense des FARDC , pendant une conférence de presse à Goma, le 31 janvier à Goma.

Mis en ligne par L’Agence d’information
 18/02/2017
 https://lagencedinformation.com/107-rdc-le-retour-du-m23.html
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« Le gouvernement congolais a eu recours aux moyens les plus ignobles et inhumains, à savoir la mise à mort de ses propres citoyens par le largage à l’aveuglette des bombes sur la ville de Goma, dont la responsabilité aurait dû être rejetée sur le M23. »

« Le Kivu nécessite un statut spécial avec un plan pour sa sécurisation, sa stabilisation et sa reconstruction. »

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On the eve of the resumption of talks in Kampala, the M23 raises the essential condition for ending the war and bring peace to the troubled province of eastern DRC : the Rwandan genocidal forces must be dismantled, and the refugees must return to their lands.

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Over the past year, the ICGLR member states, supported by the majority of countries in the East African Community, oppose the military solution aimed by France, Kinshasa and the Department of Peacekeeping Operations of the UN (DPKO). A successful challenge, considering the decisions taken by the last summit held in Kampala, specially important regarding the risks of a global confrontation between the states of the region.

Mis en ligne par L’Agence d’information

 7/09/2013