16/12/2013

Les conclusions du dialogue de Kampala avec les protocoles d’accord signés par les parties comportent davantage d’engagements pour Kinshasa que pour le M23. Et démontrent, à postériori, que la défaite de ce dernier était virtuelle. Le président Kabila en tiendra-t-il compte, maintenant que le président Museveni, artisan de la solution pacifique, sort de la scène ?

The conclusions of the dialogue of Kampala with draft agreements signed by the parties contain more commitments for Kinshasa than for M23. And demonstrate, a posteriori, that the defeat of the latter was virtual. Will president Kabila take it into account, now that president Museveni, craftsman of the peaceful solution, goes out of the stage ?

Jeudi 12 décembre, à Nairobi (Kenya), le processus de Kampala s’est achevé avec la signature de trois protocoles sanctionnant la fin de la guerre entre le gouvernement de Kinshasa et l’opposition politico-militaire du M23.

Devant nombreux chefs d’Etat réunis pour la célébration du cinquantenaire de l’Indépendance du Kenya, le président du M23, Bertrand Bisimwa, et le ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC), Raymond Tshibanda N’Tungamulongo, ont apposé leur signature, chacun sur un texte spécifique qui engage la partie concernée au respect des clauses mentionnées. Le M23, à cesser définitivement la rébellion pour se transformer en parti politique, et le gouvernement, à promulguer l’amnistie, libérer les prisonniers, organiser le retour des réfugiés, garantir la sécurité des populations dans les provinces de l’Est et entamer une politique de réformes.

Il s’agit des revendications principales contenues dans le cahier de charges du M23 depuis le début de l’année et que Kinshasa avait volontairement ignorées, en préférant l’option militaire dont la poursuite a finalement abouti au même résultat.

La balle est maintenant dans le camp gouvernemental, car le M23 a rempli la partie essentielle de ses obligations : après avoir cessé les hostilités, il a entamé le processus de démobilisation. Sa conclusion se fera au fur et à mesure que l’autre partie remplira ses obligations. La première, et plus délicate, devra aboutir au démantèlement des rebelles hutu rwandais des FDLR, groupe pratiquant une idéologie génocidaires et semant depuis dix-neuf ans la désolation parmi les communautés du Kivu à cause de ses atrocités. Une tâche pour ainsi dire complexe, si l’on considère l’imbrication de ses diverses milices avec l’armée régulière et les accointances de certains parmi ses chefs avec les hauts gradés de la Brigade d’Intervention de la mission onusienne (MONUSCO).

Le troisième protocole a été signé par le président de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs (Cirgl), Yoweri Kaguta Museveni, chef de l’Etat ougandais, et par la présidente de la Communauté de développement de l’Afrique australe (Sadc), Joyce Banda, chef de l’Etat du Malawi. Sa lettre fournit le cadre d’application des accords souscrits dans les deux autres documents et cite les onze points établis à l’issue des négociations entre les belligérants, le 3 novembre dernier à Kampala.

Parmi ceux-ci : l’amnistie, le retour des réfugiés, l’implémentation des Accords de Goma du 23 mars 2009, la réconciliation nationale et le réformes économiques, sociales et dans les secteurs de la justice et de la sécurité.

Il faudrait, pour finir, même si le sujet n’a pas été traité officiellement dans l’élaboration des textes, que les trois parties qui ont mené à conclusion le Processus de Kampala s’attèlent à la solution du problème Nkunda. Que le général, depuis bientôt cinq (!!) ans prisonnier dans une situation de non-droit, recouvre la liberté, vu que le cadre qui le tenait en otage vient de se dissoudre avec la fin de la guerre, cela donnera un grand élan à la pacification des esprits.

L’Accord de Paix de Nairobi confirme, dans sa substance, l’adoption de la plupart des objectifs qui sont à la base de l’insurrection du M23. Pour cette raison aussi, selon l’avis de plusieurs observateurs et acteurs de la crise, il témoigne que le M23 n’a jamais été défait militairement. Son repli, organisé entre le 25 octobre et le 5 novembre, a été dicté par des rapports de force défavorables sur les plans médiatique et diplomatique. Cependant, sa force sur le terrain et une conduite de la guerre ouverte au compromis lui ont valu, en conclusion, une reconnaissance de force d’opposition légale et l’acceptation presque intégrale de son cahier de charges.

Le président de l’Ouganda, facilitateur des négociations, est le grand gagnant dans le dénouement de cette crise emblématique. Il a dû se battre pour imposer la « solution africaine » du Processus de Kampala en tant que voie pacifique. Cela en opposition au “parti de la guerre”, une coalition de forces dont la France a été l’élément moteur. La stratégie de Paris, dont la lecture autorisait de penser que le but était d’impliquer Kigali dans les hostilités, a essuyé un véritable revers. Et ce malgré la prédominance de l’influence française exercée au sein du Conseil de Sécurité et du Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU. De façon significative, on a pu relever, à Nairobi, l’absence de représentants de la France comme celle de Martin Kobler, le très actif patron de la Monusco, alors que Russ Feingold, l’envoyé spécial d’Obama, n’a pas manqué de faire le voyage pour la capitale kenyane et de se faire prendre en photo pendant la cérémonie de la fatidique signature.

Le déroulement de la crise met aussi en évidence le rôle majeur acquis dans la gestion des conflits par les politiques médiatiques de contrôle des consciences. Après la prise de Goma, en novembre 2012, le M23 n’a pas pu poursuivre jusqu’au but son combat contre un pouvoir patrimonial et pratiquant la discrimination violente sur base raciale, car les puissances impériales, qui détiennent les leviers principaux de formation des opinions publiques, ne voulaient pas d’un changement de régime à Kinshasa.

Si une porte s’ouvre à la pacification en RDC, tout se jouera dans l’attitude du pouvoir et dans les choix du M23 reconverti en force politique. Les perplexités concernant la première viennent de la nature de la classe dirigeante actuelle, naturellement portée à la prédation et à une conception exclusive du pouvoir. D’autre part, le défi du M23 se résume à éviter de parcourir les sentiers battus par l’ancienne rébellion du RCD-Goma, engloutie et disparue dans les sables mouvants du système kinois.

16/12/2013

L’AGENCE D’INFORMATION

Mis en ligne par L’Agence d’information
 16/12/2013
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— Patrick Muyaya

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