23/01/2017

L’Agence d’information a reçu, et publie ci-dessous, une relation pertinente et détaillée de l’Accord de la Saint Sylvestre qui a validé et entériné le maintien au pouvoir du président Kabila au-delà de la durée de son deuxième mandat.

The Information Agency has received and published below a relevant and detailed relationship about the New Year’s Eve Agreement which validated and endorsed President Kabila’s retention of power beyond his second term .

20 / 01 / 2017

A la lecture du texte de cet accord, plusieurs éléments choquent tout lecteur attentif comme tout citoyen soucieux de la démocratisation de son pays.

Point A : de la Représentativité

1. La médiation de la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo) ne définit pas sa mission, n’explique pas l’origine de son mandat, ni ne définit clairement ses objectifs.

2. Les parties prenantes à l’Accord elles aussi doivent, c’est un impératif, prouver leur représentativité à travers des mandats clairs.

3. La crise politique que ce dialogue est censé résoudre porte d’abord et surtout sur la personne du Président de la République de la RDC, Joseph Kabila, lequel a fait un coup d’état institutionnel. Le fait qu’il ne soit pas partie au dialogue risque de réduire au ridicule toute l’entreprise.

4. La majorité présidentielle, qui est plutôt un lobby d’appui au Président et non une institution, ne saurait parler et agir en lieu et place du Chef de l’Etat. A moins qu’un mandat dument signé par le Président de la République et explicite ne lui octroie ce rôle.

Point B : de la Constitutionnalité

Dans son intitulé même, ce dialogue se qualifie comme dialogue politique. Or, on s’étonnera de lire au chapitre II.1 ce qui suit :

« Les parties prenantes s’engagent à respecter la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée en 2011 et les lois de la République, à organiser les élections présidentielle, législatives, nationales et provinciales, ainsi que les élections locales en conformité avec ladite Constitution. Nonobstant l’article 5 alinéa 1er qui dispose que "la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce directement par voie de référendum ou des d’élections et indirectement par ses représentants", elles s’engagent à n’entreprendre ni à soutenir aucune initiative de révision et de changement de la Constitution. »

On est en droit de se demander d’où les parties à ce dialogue et leur médiateur tirent le droit de déclarer nul et non avenu un article de la Constitution. Force est de constater que l’article en question est celui qui reconnait au peuple sa qualité de souverain primaire. On aura ainsi voulu manifester la volonté de ne pas appuyer une initiative qui consisterait à organiser un referendum visant le maintien au pouvoir illimité du président Kabila. Mais les parties sont allées au-delà, elles se sont arrogées un droit de violer la même Constitution qu’elles jurent de respecter. Il nous semble fondé de conclure que les négociateurs de la majorité ont vicieusement poussés à la faute ceux de l’opposition, pour plus tard exploiter cette contradiction manifeste afin d’organiser sans trop de problèmes un tel référendum.

L’interprétation que fait la majorité présidentielle de l’article 70 alinéa 1 de la Constitution – qui dispose : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois » – tend évidemment au maintien au pouvoir du président sortant. L’opposition aurait pu proposer l’interprétation suivante : l’existence d’un président élu pas encore effectivement installé justifie la prorogation par le Président partant de l’exercice de ses prérogatives et non le contraire. Le fait qu’il n’existe pas de président élu – et que ceci soit la conséquence d’une volonté politique manifeste du président sortant – constitue un coup d’état constitutionnel. Or, on est en droit ici de penser que l’opposition parlementaire et sénatoriale pourrait être d’autant plus complaisante avec ce scénario qu’elle se retrouve en mariage d’intérêt avec le Président sortant. On trouve même dans le texte de cet accord un article III.2.2 (points a, b, c) qui affirme que « les députés, les sénateurs, les gouverneurs… restent en fonction conformément aux dispositions constitutionnelles », alors qu’ils sont en fait déjà tous déchus, à part le députés qui le seront le mois prochain.

Point C : du Processus électoral

On se souviendra que le peuple a dû verser son sang dans les rues de Kinshasa en janvier 2015 pour que les échéances électorales soient respectées avec les données démographiques existantes. Or, dans ces négociations, l’opposition cède à l’idée d’une refonte totale du fichier électoral. Nous savons tous que cela va ouvrir la voie à un nouveau départ pour un voyage à durée illimitée dont on sait par avance que le régime exploitera le paysage et le relief à son aise. Ici l’opposition a raté l’opportunité de plutôt négocier la refonte totale de la Commission électorale (CENI) ainsi que celle de la Cour devant juger le contentieux électoral, deux organes qui sont inféodés au pouvoir.
L’article IV.2 donne au Conseil National de Suivi de l’accord, au Gouvernement et à la CENI la possibilité de définir le temps nécessaire pour apprécier le parachèvement des élections. Il semble ici que les parties prenantes à cet accord et la médiation aient travaillé pour la consolidation du régime en renvoyant aux calendes grecques les élections.

Point D : de la Décrispation politique

Décrisper en libérant les prisonniers politiques et en abondant les procédures judiciaires contre les hommes politiques de la RDC, tout en renvoyant les cas de Moise Katumbi et Jean Claude Muyambo à des négociations indéterminées et sans calendrier, c’est reprendre à la lettre la volonté de Kabila, sans prendre soins de sauver les apparences.

Point E : du Mécanisme de Suivi de l’Accord politique et du processus électoral
VI.1

« … En attendant l’adoption d’une loi en procédure d’urgence de la loi organique, cette Structure est mise sur pied et fonctionne sur la base du présent Accord ». (La structure à laquelle on fait référence est le Conseil national de suivi de l’Accord, CNSA).
Ici on se demande comment un projet d’une loi peut fonctionner. Et qui plus est, il fonctionnerait indifféremment avant comme après son vote et sa ratification. Et si le Parlement ne le votait pas et/ou en changeait le contenu ? Soit cette structure fonctionne en tant qu’une organisation politique qui n’a pas besoin d’être instituée par une loi organique, ou alors le texte attend d’être voté pour que l’organisation qu’il consacre fonctionne.

La confusion entre la médiation, les négociateurs, l’organe chargé de la mise en œuvre de l’Accord et celle chargée du suivi et évaluation est totale. D’ailleurs la même structure Conseil National de Suivi de l’Accord et du processus électoral comprend 28 membres incluant la CENCO. Elle ne se distingue pas clairement de celle de la mise en œuvre de l’Accord, qui du reste devrait former le nouveau gouvernement avec et par les mêmes composantes qui se retrouvent au comité de suivi.

D’ailleurs, déjà maintenant on se demande comment des personnes qui devraient signer cet accord comme membres de l’opposition, et qui aujourd’hui siègent au gouvernement Badibanga, peuvent continuer à être considéré comme représentants de l’opposition. C’est le cas de Jean Lucien Bussa, Azarias Ruberwa Manywa et Stève Mbikayi Mabuluki.

Muana Sheria et Nyota Alphajiri

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Cette « lecture critique » est la première analyse qui passe au crible les points principaux de l’Accord du 31/12/2017, signé par la majorité présidentielle (MP) et la coalition de l’opposition (RASSOP) pour valider le maintien au pouvoir du chef d’Etat sortant, constitutionnellement déchu le 19 décembre suite à l’expiration de son mandat.
Mise à part cette violation de la lettre fondamentale, il s’agit, pour les deux auteurs du texte, de mettre en exergue comment les clauses de ce protocole pourront être aisément contournées plus tard pour déroger de l’idée force, formellement sous-entendue, d’une prolongation d’une année seule du bail de l’actuel locataire du Palais de la Nation. Non signataire de l’Accord, ce dernier n’aura pas du mal à en éluder l’application, d’autant que les évêques mêmes de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) – qui ont joué les médiateurs des négociations – se sont hâtés de souligner le caractère davantage politique que technique d’un texte qui refléterait en substance et surtout la « volonté de travailler ensemble » de la part des deux composantes de la société politique rdcongolaise. L’objectif étant d’éviter un soulèvement populaire en cooptant l’opposition dans la cogestion du pays.

Le partage des postes au niveau d’un exécutif à venir demeure en effet l’issue réelle de ce processus, solution convenant parfaitement à une élite patrimonialiste qui ne conçoit la gouvernance que comme appropriation des richesses budgétaires et naturelles. Ce qui poussera tous les acteurs de cette future cohabitation à la congolaise à bien s’accommoder des reports illimités d’un calendrier électoral dont les échéances n’ont même pas été établies d’une manière précise.

La porte est laissée de surcroît ouverte – comme il est bien expliqué dans cet article – à la promulgation d’un référendum pour faire approuver un nouveau texte fondamental, clôturer le chapitre de la 3e République et permettre à Joseph Kabila de briguer le 1er mandat de la 4e !

Si tout semble ainsi « s’arranger », force est de constater que, trois semaines après la signature de l’Accord, aucune des mesures de « décrispation » n’a été appliquée. Les prisonniers politiques ne sont pas libérés, les radios de l’opposition demeurent fermés, alors qu’on voit la majorité présidentielle multiplier ses exigences en dehors des clauses de l’Accord. Celui-ci ayant fait l’unanimité de la dite communauté internationale, occidentale comme africaine, on aura au moins levé une ambigüité de fond : si le pays sort un jour de la dictature, cela ne sera ni l’œuvre d’une opposition qui se satisfait de tels arrangements avec la démocratie, ni le résultat de pressions des partenaires extérieurs…

L’Agence d’information

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 23/01/2017
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The regime had to do the first concessions considering the popular contestation and the fear of the diplomats haunted by the fact that the country would slide into chaos. But the deletion of contested law that would have permitted to Joseph Kabila to prolong his mandate beyond 2016 must be endorsed by the signature of the supreme magistrate and doesn’t seem to exhaust the demands of this mass mouvement.

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